Monaco Economie 106

84 Eco Activité économique et géopolitique : l’interdépendance des grandes puissances Les tensions entre les grandes puissances, générées notamment par la bombe à retardement nord- coréenne et le chaudron syrien, constituent-elles une menace sur la reprise de l’activité économique qui, désormais, se généralise puisque, après l’Asie et l’Amérique du Nord, c’est enfin désormais toute l’Europe qui en profite – et pas seulement ses bons élèves comme l’Allemagne ou les pays scandinaves – avec, l’an dernier, une croissance moyenne d’environ 2% accompagnée d’ une significative décrue du chômage et, en point d’orgue, des perspectives toutes aussi bonnes pour 2018 ? Les points d’opposition entre d’un côté les Etats-Unis et l’Union européenne (Royaume Uni encore inclu pour l’instant) et de l’autre côté la Russie et la Chine peuvent-ils dégénérer au point de blo- quer la machine ? Certainement pas selon Paolo Di Gaeta, spécialiste des questions de finances internationales, qui affiche un optimisme fondé sur l’analyse des faits observés et la logique d’un raisonnement. «Début janvier, des commentateurs expliquaient que nous étions, en Extrême-Orient, au bord d’une confrontation avec risque de recours aux armes nucléaires avec ces tirs d’essai répétés de missiles balistiques nord-coréens et, en retour, les menaces d’un anéantissement de ce pays proférées par Donald Trump. Et qu’avons-nous constaté ? Deux Corée qui, un mois plus tard, font ami-ami sur fond de Jeux Olympiques et Kim Jong-Un qui lance une invitation au locataire de la Maison Blanche pour une discussion visant à régler les différents. Croyez vous que subitement l’Esprit Saint se soit posé sur Kim Jong-Un ? Evidemment pas. C’est tout simplement la Chine qui, après avoir fait mine de soutenir mordi- cus sa voisine durant plusieurs mois, a décidé de siffler la fin de la récréation parce que les choses devenaient dangereuses. Or, il est hors de question pour le gouvernement chinois qu’une quel- conque problématique géopolitique vienne perturber un dévelop- pement économique vital pour continuer à subvenir aux besoins de son milliard trois cents millions d’administrés. Et à la mi-avril, les médias passaient en boucle les avertissements de terribles représailles directes émis par Poutine au cas où les oc- cidentaux effectueraient des frappes de représailles en Syrie après le nouveau recours aux armes chimiques effectué par l’armée de Bachar el-Assad. Américains, Britanniques et Français ont néan- moins bombardé, en réussissant à ne faire aucune victime, et la Russie s’est contenté de la traditionnelle gesticulation diplomatique à l’ONU tandis que le président Macron annonçait aussitôt qu’il était prêt à rencontrer Poutine et que, dans le même temps, Washington évoquait la nécessité d’une issue politique à ce conflit». Business as usual Alors tout ceci ne relèverait que de la posture, que d’une sinistre comédie ? «Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale» explique Paolo Di Gaeta, «Avec, d’abord l’arme nucléaire, facteur potentiel d’anéan- tissement total universel, et ensuite avec l’apparition d’un marché mondial des matières premières, des sources d’énergies et des productions qui rend totalement interdépendantes leurs situa- tions économiques, les grandes puissances sont dans l’obligation absolue de ne pas s’affronter directement. Les guerres ne sont plus que le terrible lot des petits, des faibles et les grands s’en mêlent parfois pour avancer des pions, faire bouger des lignes à leur avantage. » Certes, mais à la veille du premier conflit mondial comme à la veille du second, les principales nations commerçaient déjà beaucoup entre elles et pourtant la catastrophe n’a pu être évitée. «Mais il y a une grande différence aujourd’hui » répond Paolo Di Gaeta. «A l’heure actuelle, les grandes puissances ne sont pas liés seulement par des intérêts commerciaux mais par des besoins vitaux croisés. Telle, comme la Chine, possède un grand marché intérieur et de fortes capacités de production mais n’a pas les res- sources agricoles pour nourrir sa population ; telle autre encore, comme la Russie, dispose des plus grandes ressources minières et énergétiques de la planète mais n’a pas les technologies et les savoirs nécessaires pour assurer son développement intérieur et doit donc les importer ; telle autre enfin, l’Europe, maîtrise les technologies et abonde en matière grise mais ne dispose d’aucunes des matières premières. Les grandes puissances, pour continuer à l’être, n’ont d’autre solution que de se faire la paix…» par Paolo Di Gaeta Paolo Di Gaeta

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